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La Social-Démocratie dans le 06,
3 juin 2007

DSK: le PS aura besoin, après les législatives, d'une véritable refondation : « Tout doit être repensé »

8088191_oPourquoi la gauche joue-t-elle battue ? L'expérience d'une nouvelle cohabitation lui ferait-elle peur ?
Dominique Strauss-Kahn. Et si on disait tout simplement la vérité ? Il y a un risque de l'UMP ultra-majoritaire, et pourtant la France mériterait bien une cohabitation. Laisser les pouvoirs à un libéralisme musclé n'est pas bon pour notre pays. Je ne vois aucune raison pour que le peuple de gauche baisse les bras. Je l'ai dit : ne nous laissons pas faire ! Nous avons tous une raison de voter socialiste parce que nous sommes pour l'augmentation des salaires, pour une vraie politique du logement, contre le forfait santé ou encore contre cette malheureuse défiscalisation des heures supplémentaires, qui ne permettra pas de travailler plus, mais surtout d'embaucher moins !

Comment jugez-vous les premiers pas de François Fillon alors que Nicolas Sarkozy apparaît déjà, aux yeux de certains, comme à la fois un président et un super-Premier ministre ?
Pour l'instant, François Fillon n'a de Premier ministre que le titre. Nicolas Sarkozy est en même temps président de la République, président de l'UMP, Premier ministre, ministre des Affaires européennes, du Logement, du Travail, du Budget - et même, cette semaine, de l'Education nationale. J'en oublie sûrement ! Cela porte un nom : le pouvoir personnel.

« Nous devons réinventer un projet en partant des réalités d'aujourd'hui »

A quelles conditions pourriez-vous dire oui à un service minimum en cas de grève dans les transports ?
J'ai dit que je voulais un « socialisme du réel ». En voici un bon exemple. Oui, il faut partir des réalités et résoudre les problèmes. La droite veut gagner sur cette question comme symbole de toutes les autres questions. Pourtant, il n'y a pas urgence : un dispositif négocié était en place. Il permettait une procédure d'alerte : on ne lui a pas donné la chance de s'appliquer. C'est ce que j'appelle une démarche idéologique où l'on privilégie le symbole plutôt que l'efficacité, le passage en force plutôt que la négociation, l'ultimatum plutôt que la contractualisation. Ce n'est pas la conception que je me fais d'une France moderne.

Y a-t-il eu délits d'initiés dans l'affaire EADS ?
Mais comment voulez-vous que je vous réponde ? Si nous perdions l'habitude de vouloir rendre la justice à la place de la justice et d'aller plus vite que la justice, nous aurions fait un grand progrès !

Jamais durant la campagne présidentielle les ténors socialistes ne se sont présentés groupés face aux électeurs comme ils l'ont fait mardi soir au Zénith. A qui la faute ?
Il vaut toujours mieux être unis qu'éparpillés. Mais je n'accepte pas le procès d'intention à la mode qui voudrait que les dirigeants socialistes n'aient pas fait campagne. En ce qui me concerne, j'ai fait la campagne de Ségolène Royal devant des milliers de sympathisants socialistes. Je n'ai ménagé ni ma peine ni mes efforts, et j'ai répondu présent chaque fois qu'elle me l'a demandé.

Les socialistes auront-ils le courage, après les législatives, de se dire leurs quatre vérités sur les causes de leur échec ?
Trois échecs présidentiels méritent qu'on y réfléchisse, mais si on compte sur un règlement de comptes entre personnes, ça sera sans moi. Je suis disponible pour un débat d'idées, pour une recherche loyale et honnête qui permette à la gauche d'être à nouveau majoritaire, sans bouc émissaire ni faux-fuyants. C'est un travail de longue haleine qui demande de l'honnêteté, de la rigueur, de l'humilité et un sens collectif que nous devons retrouver.

Le PS de 2007 a-t-il besoin d'une simple rénovation, d'un changement de têtes ou d'une refondation ?
Pour le moment, je suis dans le combat des législatives mais sans hésitation, je réponds : une refondation. Nous sommes en effet au bout, tout au bout même, du cycle que François Mitterrand avait ouvert à Epinay en 1971. Tout doit être repensé. Nous devons réinventer un projet en partant des réalités d'aujourd'hui : par exemple la montée de la mondialisation et de l'individualisme. Nous devons reformuler nos propositions en ayant pour seul souci de savoir si elles seront efficaces pour les Français, et non pas si elles sont conformes aux dogmes anciens. Nous devons rebâtir une stratégie politique pour permettre aux socialistes de mobiliser au moins le tiers des Français dans un premier tour, et de rassembler une majorité au second tour. Oui, à partir de nos valeurs, c'est bien d'une refondation qu'il s'agit, et cette refondation doit concerner toute la gauche.

Comprenez-vous et approuvez-vous la volonté de Ségolène Royal de jouer demain un rôle de premier plan au sein du PS ?
Evidemment que je la comprends ! Comme je comprends la volonté des jeunes générations de la gauche de vouloir accéder aux responsabilités.

« Nous entrons dans la France des rentiers »

Quand François Hollande s'effacera - au plus tard à l'automne 2008 - pourriez-vous être candidat au poste de premier secrétaire ?
Nous n'en sommes pas là. Ce qui m'importe, c'est le combat actuel pour faire progresser la France. Ce qui m'anime, c'est le combat intellectuel pour faire progresser la gauche. Après, c'est le peuple de gauche qui choisira : personne ne peut se substituer à lui.

Que pensez-vous de la mesure que le gouvernement vient d'annoncer sur les emprunts immobiliers ?
Pendant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait annoncé qu'il voulait favoriser l'accession à la propriété. Soit. Quelle surprise de constater que la mesure proposée ne concerne pas seulement les nouveaux accédants, mais aussi tous ceux qui se sont déjà endettés dans le passé ! Il ne s'agit donc pas d'augmenter le nombre de propriétaires, mais d'avantager tous ceux qui ont déjà pu le devenir. C'est un chèque de tous les contribuables (y compris les plus modestes) vers ceux qui possèdent un patrimoine ! Un chèque de plusieurs millions d'euros. Nous entrons dans la France des rentiers.

Comment expliquez-vous l'intensité de l'état de grâce dont bénéficie depuis son élection Nicolas Sarkozy alors qu'une large partie de la gauche tablait, pour gagner, sur le slogan présenté comme porteur « Tout sauf Sarkozy » ?
Ce qui compte, ce n'est pas l'intensité de l'état de grâce, mais sa durée. Les difficultés, malheureusement, sont devant nous.

Propos recueillis par Dominique de Montvalon
dimanche 03 juin 2007 | Le Parisien

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