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La Social-Démocratie dans le 06,
8 janvier 2007

UNE BASE DE REFLEXION SUR L'EDUCATION

La probabilité pour un fils d’ouvrier de devenir cadre est plus faible aujourd’hui qu’en 1960.

L’ascenseur social est en panne.

Pourquoi ? La raison principale, c’est que les inégalités de départ dans la vie n’ont jamais été aussi fortes.

Elles se concentrent de manière territoriale : statistiquement, selon que l’on naît à Neuilly ou à Vaux-en-Velin, le destin est joué d’avance.

La ségrégation territoriale produit l’immobilité sociale.

L’école doit être au cœur de la lutte pour l’égalité des chances.

1.      L'objectif : promouvoir l’égalité réelle des chances 

·        Aujourd’hui, l’école renforce les inégalités de départ : elle donne moins à ceux qui ont moins.

L’école repose sur l’égalité en droit : tous les enfants ont aujourd’hui, théoriquement, un égal accès aux biens scolaires – les mêmes heures de cours dispensés par les mêmes professeurs dans le cadre d’un même cursus scolaire.

Cette démocratisation scolaire, réalisée en deux temps par le plan Langevin-Wallon de 1945 puis le collège unique (réforme Haby, 1975), est une avancée considérable par rapport à l’école ségrégative qui existait jusqu’alors.

Mais cette égalité théorique ne se retrouve pas entièrement dans la pratique. L’offre scolaire est inégalitaire dans les faits. Les exemples les plus significatifs sont les suivants :

-         La carte scolaire.

Elle renforce la ségrégation territoriale.

Les écoles des banlieues défavorisées sont des écoles moins bonnes que les écoles des quartiers aisés : des infrastructures scolaires limitées, car les collectivités locales sont pauvres ; des enseignants moins expérimentés et à la rotation plus rapide ; un environnement social défavorable.

-         Les classes de niveau.

Elles accentuent les écarts entre les élèves, ainsi que l’ont montré les études de la sociologue Marie Duru-Bellat.

-         Les filières scolaires.

Elles réintroduisent les barrières sociales.

L’exemple le plus flagrant concerne la filière professionnelle.

La création en 1985 du bac professionnel a été un formidable outil de démocratisation en faisant accéder au niveau du baccalauréat des catégories sociales qui en étaient exclues.

De fait, plus de 80% de ses effectifs dans la plupart des académies sont issus de l’immigration.

Mais les titulaires du « bac pro » sont exclus de l’enseignement supérieur professionnel (BTS, IUT, licences professionnelles, écoles d’ingénieurs) : les étudiants issus des filières généralistes leur sont systématiquement préférés.

-         Les filières universitaires.

Elles concentrent les moyens sur les élèves les plus favorisés.

C’est le cas des classes préparatoires : on y trouve des enseignants disponibles, des petits effectifs, des exercices supplémentaires sous forme de « khôlles » - à l’exact inverse des moyens du premier cycle universitaire.

Les grandes écoles concentrent quatre fois plus de moyens par élève que les universités.

-         La durée des études.

La durée moyenne de scolarisation en France est de 19 années, mais elle recouvre des réalités très différentes.

Un jeune issu d’un milieu aisé qui termine médecin, ingénieur ou lauréat d’une grande école, bénéficie de 23 à 25 années de formation gratuite.

Le jeune de banlieue sorti sans qualification à seize ans n’aura bénéficié que de 13 années.

L’enseignement supérieur est une incroyable machine à redistribuer à l’envers.

En d’autres termes, l’école, dans les faits, traite moins bien les élèves les moins favorisés.

·        L’école doit se donner pour objectif de corriger les inégalités de départ. Avec un principe : « donner plus à ceux qui ont moins ».

Même si l’école parvenait dans les faits à respecter son principe d’égalité en droit, ce serait insuffisant.

Donner la même chose à chacun ne permet pas de corriger les inégalités de départ.

Au contraire, cela risque de les légitimer en les couvrant de l’onction du diplôme et du mérite : « l’école est la même pour tous, donc si vous échouez c’est de votre faute ».

L’école a vocation à corriger ces inégalités de départ.

Nous proposons de changer de paradigme scolaire, en affirmant le principe de l’égalité réelle des chances : donner plus à ceux qui ont moins, plus de capital pédagogique à ceux qui ont moins de capital privé.

Il s’agit donc de concentrer les moyens scolaires. Sur quelle base ?

Pas sur une base ethnique ou religieuse : ces discriminations positives « à l’américaine » sont contraires à notre tradition républicaine.

L’approche territoriale est acceptable, car les inégalités se concentrent de manière territoriale.

Mais c’est d’abord la concentration sur une base individuelle qui doit être recherchée.

Idéalement, si un enfant a besoin de 30 heures pour assimiler son cours de mathématiques, au lieu des 20 théoriquement prévues au programme, l’école doit être capable de les lui fournir – quelles que soient ses origines sociales ou territoriales.

Bien sûr, statistiquement, les enfants en difficulté viendront surtout des familles défavorisées et plus rarement des familles aisées, essentiellement des banlieues pauvres et très peu des quartiers riches.

Mais tous les enfants en difficulté méritent l’attention publique. On construit ainsi un « droit de tirage social », fondé sur une différenciation légitime, car purement individuelle, et non ethnique ou religieuse.

2.      quelques propositions

·        Proposition n°1 : créer un poste d’« instituteur volant » en CP

Non affecté à une classe, il serait chargé de donner du temps pédagogique supplémentaire aux enfants en difficulté d’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

·        Proposition n°2 : un plan périscolaire pour tous

L’activité après l’école a un rôle important. Or ces activités ne sont pas réalisées dans de bonnes conditions dans toutes les familles.

Pour compenser ces inégalités, un grand plan périscolaire pourrait combiner aides aux devoirs, activités sportives et éveil culturel, en coopération avec les collectivités territoriales, les mouvements d’éducation populaire. 

·        Proposition n°3 : renforcer les zones d’éducation prioritaire (ZEP)

Les ZEP reposent sur une logique simple : donner plus aux quartiers défavorisés.

C’est une bonne approche, car territoriale.

Leurs résultats sont pourtant décevants, du fait de handicaps qu’il faut corriger.

Quatre réformes pour les ZEP :

-         Renforcer massivement les moyens financiers alloués aux ZEP.

Un élève en ZEP ne bénéficie que de 7% de moyens supplémentaires par rapport à un élève hors ZEP.

Il faut aligner la France sur les efforts de nos voisins européens, comme les Pays-Bas : 100% de moyens supplémentaires par élève.

Cela nécessite d’accroître fortement les moyens alloués aux ZEP et de limiter leur saupoudrage.

-         Adapter l’enseignement des ZEP.

Rien, au-delà du dévouement d’une majorité de professeurs, ne distingue positivement l’enseignement dans ces établissements.

Une réforme profonde est nécessaire : formation spécifique des enseignants (classes d’application des IUFM, stages préalables), pédagogie adaptée à la réalité de chaque situation locale dans le cadre de projets d’établissement autonomes (diminution des effectifs par classe, dédoublement dans certaines disciplines, maîtres supplémentaires à certains niveaux d’enseignement…), aménagements des locaux scolaires aux difficultés matérielles des élèves (bureaux de tutorat, salles ouvertes tard le soir pour permettre le travail personnel, équipement informatique individualisé, ouverture des équipements aux associations du quartier en dehors du temps scolaire)… -         Créer le statut d’« élève à besoin éducatif prioritaire » (BEP).

Les ZEP créent des effets de stigmatisation. les enfants des classes moyennes évitent les écoles en ZEP, soit en déménageant, soit en contournant la carte scolaire.

Pour casser l’effet ghetto des ZEP, l’idée serait de créer un statut d’élève prioritaire Les moyens affectés seraient calculés pour les établissements au prorata du nombre d’élèves prioritaires accueillis.

-         Donner des affectations « coupe-file » aux élèves prioritaires.

Les élèves de ZEP, en effet, ne sont prioritaires sur rien.

Il faut avoir le courage de leur offrir des affectations « coupe-file » pour les filières d’enseignement les plus demandées, dont ils sont sans cela exclus sous couvert de carte scolaire.

La « filière ZEP » de Sciences Po constitue à cet égard une expérimentation réussie.

·        Proposition n°4 : créer des « universités professionnelles »

Comme la gauche avait créé, avec Jean-Luc Mélenchon, les « lycées des métiers », il faut aujourd’hui créer des « universités professionnelles ».

Ces universités de plein exercice regrouperaient les formations supérieures technologiques et professionnelles et accueilleraient, au moins pour moitié de leurs étudiants, des bacheliers professionnels – le cas échéant après une année de propédeutique.

Le principe doit être clair : tout élève qui débute en CAP ou en BEP et qui passe son bac professionnel doit pouvoir aller jusqu’au diplôme d’ingénieur.

·        Proposition n°5 : démocratiser l’enseignement supérieur, avec comme objectif 60% d’une classe d’âge à « Bac+3 »

La problématique est simple : nous avons démocratisé le baccalauréat, il faut maintenant démocratiser l’enseignement supérieur.

C’est une nécessite de justice sociale.

C’est aussi une nécessité économique, dans le monde de la connaissance que est désormais le notre. Or notre retard est patent : à peine 25% d’une classe d’âge est diplômée du supérieur en France, contre 37% aux Etats-Unis… et 80% en Corée !

Cet écart trouve son origine dans la différence des efforts financiers consacrés à l’enseignement supérieur. Les Etats-Unis investissent 3% de leur richesse nationale dans leurs universités, contre 1,4% en France.

Même le financement public est supérieur aux Etats-Unis : 1,4% contre 1,1% du PIB.

La France doit donc investir massivement dans ses universités.

·        Proposition n°6 : garantir à tous un même capital de formation initiale gratuite

C’est une proposition phare : garantir un minimum de 20 années de formation initiale gratuite à tous.

Ce droit pourra être utilisable en plusieurs séquences.

Les élèves peuvent être en échec scolaire, ou contraints d’abréger leurs études, pour des raisons conjoncturelles.

Ceux-là pourront y retourner à tout moment. Ainsi une jeune fille sortant du lycée professionnel avec un BEP sanitaire et social à 17 ans aura bénéficié de 14 ans de formation initiale.

Dix ans plus tard, elle pourra faire valoir un droit à six ans de formation gratuite, afin de se remettre à niveau, passer le bac et devenir infirmière.

*

Pour aboutir, ces réformes doivent respecter deux conditions de méthode.

Première condition : obtenir le concours de ceux qui ont à l’appliquer.

Les réformes ne tiennent pas assez compte de la principale grille d’analyse de l’enseignant : la classe.

Au cœur de la façon dont les enseignants vivent leur  métier se trouvent la satisfaction ou la pénibilité avec laquelle chacun parvient à gérer sa classe.

Une réforme ne sera acceptée que si elle facilite la gestion de la classe.

Seconde condition : la priorité financière.

Aucune réforme ne peut aboutir sans financement suffisant.

L’Education nationale doit redevenir la première priorité budgétaire.

Notre école souffre à chaque passage de la droite au pouvoir.

Les établissements scolaires disposent de près de 70.000 personnels en moins en 2005.

L’argent public n’est pas extensible, il faut donc affirmer des priorités politiques : l’école en est une.

Synthèse des propositions d’"A GAUCHE EN EUROPE"

Par Olivier Ferrand, délégué général

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Commentaires
L
En lisant, la synthèse sur l'Education d'"à gauche en europe", je m'y retrouve pleinement.<br /> Pour être en contact avec ce milieu, je sais que tout commence ou se termine à l'école. <br /> L'Education doit devenir notre priorité car elle peut permettre de réduire les inégalités.<br /> Il faut être conscient que traiter des problèmes d'Education ne peut se faire que dans un certain consensus. Tout le monde éducatif doit participer à une réflexion globale en associant les parents.<br /> On ne peut trouver des "fast solutions", elles n'existent pas.<br /> Cependant, ce qui existe, c'est l'échec scolaire, l'anaphabétisation, le chômage des jeunes (un des + importants en Europe). On peut aussi mettre l'accent sur le fait que le mythe du fils d'agriculteur qui devient instituteur et ainsi de suite est obsolète. L'ascenseur social est en panne. La faute à qui? Pas aux enseignants, qui dans leur immense majorité se démènent comme ils le peuvent. Peut-être que le manque de moyens en personnels (documentaliste, enseignant, assistant d'éducation etc..) ou le mauvais emploi (TZR, contractuel) pèse plus dans la balance.<br /> Vraiment, je me retrouve dans ces propositions qui elles aussi caractérisent le changement dont la France a besoin pour redonner de l’espoir au français.<br /> <br /> Lionel
N
Lors du débat sur l'éducation, il me semble indispensable d'aborder la question de la réduction de la fracture numérique. <br /> Tout enfant de 4ème devrait pouvoir accéder simplement à l'outil informatique. Il faudra que les pouvoirs publics se penchent trés sérieusement sur ce problème et permettent, grâce à des financements croisés Etat/collectivités territoriales, que chaque enfant dispose d'un PC....de la même manière qu'il dispose des livres scolaires. Certes, l'investissement sera trés important mais primordial si nous voulons aller vers l'économie de la connaissance.
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