La crise de confiance des marchés financiers; quand la presse internationale redouvre les vertus de la régulation
Va-t-on vers une crise « à la 1929 ? » Tous les ingrédients sont réunis pour qu'on aille vers une catastrophe, sauf un : notre connaissance précisément de la Crise de 29. Il se trouve que Ben Bernanke, patron de la Fed, est précisément un spécialiste de la Crise de 29 ! Il veut donc à tout prix éviter ce qui s'est produit en 29, une crise de la liquidité, un « credit crunch » un resserrement du crédit terrible du fait même de celles qui avaient provoqué la crise, les banques. En 29, les banques prêtent à tire larigot pour drainer tout le monde vers la Bourse qui monte, monte. Quand celle-ci s'effondre, elles gardent toute leur liquidité, et l'économie mondiale s'effondre. Hitler, la guerre, et ça repart. Aujourd'hui Bernanke « balance de la liquidité », passez moi l'expression, à tire-larigot. Il a déjà mis sur le marché monétaire la moitié du stock de la Federal Reserve (400 milliards de dollars). Trichet n'est pas en reste. Hélas, les banques gardent tout. Elles stockent.
Pourquoi ne pas faire le cadeau que l'on fait aux banques aux ménages ? Pourquoi faut-il toujours financer les entités cupides qui ont provoqué la crise ? Vaste question. Pourquoi prête-t-on aux riches, sachant que les riches (en l'occurrence les banques, gavées de profits depuis 30 ans) sont en train de tuer l'économie mondiale par du crédit risqué ? Pour deux raisons : 1) difficile de ne pas céder au chantage des banques : si vous nous faites couler, vous coulez avec nous. Si nous faisons faillite, vous aussi. 2) On préfère a priori prêter aux riches.
Mais tout de même Bernanke fait un geste indirect envers les ménages qui ne peuvent payer : il soulage le fardeau des deux « rehausseurs » de crédit immobilier, c'est-à-dire des deux organismes qui garantissent les crédits immobiliers, Fannie Mae et Freddie Mac. Fannie Mae et Freddie Mac couvrent 40% du crédit immobilier américain. Que fait Bernanke ? Il fait exactement le contraire de ce qu'on avait fait en 29 : il les autorise à faire plus de crédit ! Il lache le collier administratif qui limite leur liquidité. Fannie et Freddie vont pouvoir réorganiser leurs portefeuilles de crédits. Si ça ne marche pas, Bernanke fera tomber le taux d'intérêt au-dessous du taux d'inflation. C'est pratiquement fait. Et si ça ne marche pas non plus, il nationalisera les Banques. C'est le recours ultime. France - France Inter - Bernard Maris(20.03.2008)
Gerald Braunberger ne voit pas pourquoi les banques nationales et les gouvernements devraient venir à la rescousse des banques, ce qu'a souhaité le 19 mars le directeur de la Deutsche Bank Josef Ackermann. Il a en effet expliqué que la crise actuelle bloque le pouvoir de guérison du marché. "Ici, il n'est pas du tout question de jalousie sociale. Nous ne devons pas oublier que les dirigeants des banques qui enregistrent de bons résultats gagnent des dizaines de millions d'euros par an. Les gestionnaires des fonds spéculatifs et des fonds d'investissement, quant à eux, gagnent encore plus. A l'heure actuelle, les dirigeants des banques se posent en défenseurs de la liberté du marché. Si l'édifice de la spéculation menace de s'effondrer comme un château de cartes, les banques d'émission et les contribuables doivent le remettre sur pied. Dans l'intérêt de la communauté, l'Etat n'a rien d'autre à faire. Toutefois, ces mesures de sauvetage sont préjudiciables à la réputation du secteur financier. Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même s'il doit en appeler à une réglementation." Allemagne - Frankfurter Allgemeine Zeitung(19.03.2008)
Le chroniqueur Jacques Pilet estime que "la crise que nous vivons, la plus grave depuis les années trente, fait éclater au grand jour toute une chaîne de mensonges, l'incompétence de dirigeants arrogants et obsédés par leur fortune personnelle, l'impuissance des banques centrales et la docilité des opinions publiques qui trop longtemps ont cru aux fables qu'on leur servait. Mais le plus troublant est ailleurs. Les maîtres de la finance mondiale proclamaient une double foi : les Etats-Unis sont le modèle absolu de la réussite économique, le libéralisme absolu est l'avenir du monde. Cette approche théologique en prend un sacré coup. (...) Personne ne peut croire que, par elles-mêmes, les banques 'mettront de l'ordre', comme elles disent, dans un système qu'elles ont détraqué par leurs acrobaties irresponsables. Personne ne peut croire que les opinions publiques accepteront longtemps encore de panser les plaies des géants en puisant dans les budgets publics." Suisse - L'Hebdo(20.03.2008)
"Il a fallu des années pour construire l'édifice merveilleux de la finance moderne. Le monde n'avait qu'un week-end pour le sauver", écrit l'hebdomadaire. "C'était un effort herculéen et il a prévenu la catastrophe de la faillite d'une banque [Bear Stearns] qui aurait menacé de faire s'écrouler Wall Street. Pourtant, ce désastre évité de peu recèle deux messages troublants. L'un est analytique : le monde a besoin de nouveaux moyens de penser la finance et les risques qu'elle comporte. Le second est un avertissement : la crise a ouvert un nouveau chapitre dangereux. (...) Quelque chose d'important s'est produit à Wall Street cette semaine. Ce n'était pas seulement la fin d'une entreprise qui avait surmonté la Grande crise. Les financiers ont découvert qu'ils avaient créé une série de risques auquel le marché ne pouvait pas faire face. Ce n'est pas une raison de condamner le système dans son ensemble : il est bien trop utile. C'est le signe que les règles ont besoin d'être changées." Royaume-Uni - The Economist(19.03.2008)