Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Social-Démocratie dans le 06,
21 mai 2007

PS : Devoir de Vérité

3522230668

La gauche a perdu.

Quand la victoire est là, chacun en revendique sa part. Aux lendemains de la défaite, assumons-en ensemble la responsabilité.
Responsabilité, d’abord, de ne pas avoir pris en compte les transformations du monde.
Chute du mur de Berlin ; dérèglements du nouveau capitalisme ; émergence des géants économiques indiens et chinois ; défis environnementaux et technologiques ; montée des intégrismes ; nouvelles discriminations : autant de bouleversements qui, pour être compris, auraient du nous conduire à révolutionner nos grilles d’analyse.
Responsabilité, ensuite, dans l’inexistence de propositions claires face à ces ruptures.
Nous n’avons pas porté un projet de gauche moderne, ancré dans le réel et résolument européen. Si nous avons entendu les justes inquiétudes de nos contemporains, les réponses que nous avons apportées n’étaient certainement pas à la hauteur.
Responsabilité, enfin, de ne pas avoir su imposer nos orientations. Nous avons navigué à vue quand la droite donnait l’impression de tenir le gouvernail.

Depuis 2002, faute de courage et de lucidité, la gauche française s’est condamnée à l’échec. Après trois défaites consécutives aux élections présidentielles, il nous faut reconnaître que le cycle ouvert par le congrès d’Epinay touche à sa fin.

Le Parti socialiste traverse une crise profonde et ne remplit plus les deux fonctions traditionnelles d’un parti politique. Il n’a plus d’idées, ou si peu. Il ne gagne les élections que par rejet de l’adversaire, et non par adhésion aux valeurs qu’il défend.

Crise des idées.
L’unité idéologique de façade issue des tractations de congrès n’est pas porteuse d’une vision du monde. Nous ne traçons pas de chemin, nous ne dessinons pas de voie française dans la mondialisation.
A force de ne pas trancher, notre ligne politique se voit réduite au plus petit dénominateur commun.
Or, aucune ambition collective ne peut germer sur le terreau des contradictions.
La synthèse issue du congrès du Mans de novembre 2005 incarne cet état de fait.
L’avenir de nos retraites ? Passé sous silence, un seul mot d’ordre : abrogation des lois Fillon !
La renationalisation d’EDF ? Oui, évidemment ! Le prix importe peu, ce sont des considérations pour technocrates !
Comment sortir l’Europe de la crise ? Le débat sur la Constitution européenne est encore présent dans les esprits, surtout n’en parlons pas, ne froissons personne, pas de vagues ! L’avenir du nucléaire ? Ni oui, ni non, ni rien d’ailleurs.
Voilà le bilan de notre soi-disant congrès de « clarification » !

Crise des idées donc, mais aussi crise de fonctionnement des instances dirigeantes du parti.
« Durer plutôt qu’agir », voilà le mot d’ordre qui les caractérise.
Elles se résument bien trop souvent à un patchwork des courants et sous-courants nés des conciliabules de nos congrès et de leurs petits secrets. Pas de commentaire. Ou si, un seul : le mode d’organisation de notre parti empêche de penser, de décider, bref, de gagner.

Ces deux crises, idéologique et de fonctionnement, font du parti socialiste aujourd’hui le parti du conservatisme et de l’immobilisme.
Celui des guerres de chapelles. Comment ne pas sourire quand, dans nos réunions, les uns prennent la parole en tant que « ségolistes », « strauss-kahniens » ou encore « fabiusiens » ?
Nous multiplions les allégeances personnelles au mépris du fond.
Les nouvelles frontières, les nouveaux droits à conquérir nous font peur.
Nous avons laissé à la droite ce que nous avons abandonné par manque d’audace.

Que faire ? Nos convictions, notre volonté de faire gagner les idées de gauche, nos engagements politiques respectifs, à Paris, en Banlieue, en Régions, nous amènent à vouloir relever les deux défis auxquels la gauche est confrontée.

Le premier est de réconcilier éthique de conviction et éthique de responsabilité. C’est la double exigence de vérité de nos discours et de réalisme de nos propositions, qui permettra à la gauche de revenir aux responsabilités. C’est en agissant ainsi que nous ferons reculer les populismes, de droite comme de gauche. En ne disant pas la réalité aux Français, nous les infantilisons et nous perdons toute crédibilité.

Le second consiste à faire sauter les verrous intellectuels de la gauche, notamment dans le domaine économique et social. Comment ? En commençant par rappeler quelques évidences. Oui, la France est entrée de plein pied, et depuis longtemps, dans une économie de marché. Oui, il faut encadrer le régime des parachutes dorés et des stock-options. Non, les dirigeants d’entreprise ne sont pas tous des salauds qui ne pensent qu’à leur bonus de fin d’année. Finissons-en avec cette vision manichéenne et stérile de la société !

Conviction, responsabilité, vérité.
Voilà les trois piliers de notre engagement. Voilà ce que les Français attendent de nous. Voilà une ligne claire que pourraient porter nos candidats aux élections législatives. S’ils font leur cette triple exigence, la gauche peut l’emporter. Dans le cas contraire, une seule obligation incombe à notre génération dans les cinq années qui viennent : moderniser, enfin, la gauche française.

Lionel Choukroun, Matthias Fekl, Gaspard Gantzer, Benjamin Griveaux, Alexis Zajdenweber
Membres du Parti Socialiste

Tribune publiée dans Marianne (n°526, du 19 au 25 mai 2007)

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité