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La Social-Démocratie dans le 06,
12 juin 2008

Rocard soutient Delanoë, par "urgence"

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LCI.fr -  A cinq mois du congrès de Reims, les ambitions personnelles semblent masquer des inimitiés profondes. Dans un échange filmé, Hollande explique craindre que la diabolisation contre Royal ne la pousse un jour à se présenter à la présidentielle sans le soutien du PS. Ce scénario vous semble-t-il possible ?

Michel Rocard : Je ne poserais pas la question comme ça. Le PS est en difficultés car c'est le seul des partis sociaux-démocrates européens qui ne soit pas à l'aise avec l'économie de marché. Le parti a donc besoin de travailler le fond et de faire des choix. Il vit depuis des années sous le drame de s'obliger à parler à l'unanimité, on a appelé cela "la synthèse".

Aujourd'hui, puisque nous sommes en transition de leader, nous aurions dû accepter de ne désigner notre candidat à la présidentielle de 2012 qu'à l'automne 2011. Il suffisait alors de se doter pendant quatre ans d'un Premier secrétaire chargé de faire travailler les gens, d'organiser des débats et de provoquer des votes et des choix clairs. Economie de marché ou pas ?  Poursuite de la construction européenne ?  Nous avons été empêchés de faire ça par la pression médiatique. Ségolène Royal d'un côté, et pour éviter son arrivée, Delanoë de l'autre, ont été saisis par l'univers journalistique.

LCI.fr - C'est-à-dire ?

M.R. : C'est vous, les journalistes (de télévision surtout), qui faites aujourd'hui l'agenda. L'idée que le PS puisse passer 4 ans sans avoir un leader présentable au JT de 20h comme le concurrent potentiel de Sarkozy était intenable. Or c'est ce qu'il fallait faire !

Du coup, par victoire des médias sur le calendrier, nous allons avoir à nous déterminer en novembre sur des personnes contre l'intérêt profond du parti. Ce sera un congrès de vedettes alors qu'il aurait fallu choisir quelqu'un qui n'avait pas vocation à être candidat en 2012. Les journalistes l'auraient intégré. Sous cette condition, on aurait pu continuer à travailler tranquilles et à faire pour le projet ce qu'on vient de réussir avec la Déclaration de principes.

LCI.fr - Comment jugez-vous la démarche des "Reconstructeurs" qui avancent l'idée d'un projet avant le choix d'un présidentiable ?

M.R. : Je soutenais une démarche de projet mais il n'y a plus d'espace pour cela. Je pense que la pression médiatique a gagné au point que nous ne pouvons pas faire comme si la candidate présente dans les médias, Madame Royal, n'était pas en position de gagner. Or sa perception de l'univers international est insuffisante pour qu'elle soit de taille. Et donc on a changé d'urgence.

C'est pourquoi je vais soutenir Bertrand Delanoë, par urgence. Il aurait mieux valu qu'il ne parte pas si tôt pour assurer son avenir mais il a eu peur que la politique spectacle permette une victoire de Ségolène Royal. Cette peur était fondée. Mais je crois très dangereux de le désigner si tôt car le bombardement médiatique quotidien sur une personne la tue. Il n'y a pas de contre-exemple. Nicolas Sarkozy peut résister car il a avec lui tout l'appareil de l'Etat. Nous, nous ne l'avons pas.

LCI.fr - On sent un attentisme à l'intérieur du PS. Ni Bertrand Delanoë, ni Ségolène Royal ne semblent créer une dynamique. Cela ne laisse-t-il pas une place à une troisième voie, incarnée peut-être par Martine Aubry ?

M.R. : La démarche de Martine Aubry me surprend car elle a des soutiens qui sur certains enjeux, notamment l'Europe, n'ont pas été capables de se mettre d'accord. Je ne sais pas comment elle pourra définir une politique claire avec des soutiens aussi différents.

Quoi qu'il en soit, le système médiatique exige que le jeu se résume à des confrontations de charisme. Des personnalités gesticulantes, c'est plus facile pour les télévisions qu'expliquer le fond des choses. Le PS est une victime, mais ça sera pareil un jour à droite. Ce n'est pas spécifique à la France d'ailleurs, le système médiatique est le même à l'étranger. 

LCI.fr - Ségolène Royal est populaire chez les militants... 

M.R. : Pourquoi est-elle populaire ?  Il n'y a plus de vie interne au PS. Elle est ce qui est retransmis par les médias télé. Et c'est vous qui choisissez qui vous voulez montrer au 20h. C'est imparable.

LCI.fr - Vous mettez sévèrement en cause le système médiatique mais les leaders socialistes ont-ils assez travaillé un projet ces dernières années ?

M.R. : Les médias sont la cause initiale mais nous avons largement aggravé les choses, je vous en donne acte (rires).

LCI.fr - L'état du PS vous fait-il craindre une scission à l'avenir ?

M.R. : Ecoutez-moi. Il vient d'y avoir un événement admirable et peu commenté au PS ces derniers jours, c'est l'écriture d'une nouvelle Déclaration de principes. Cela fait un siècle que nous n'avions pas été capables de produire un texte aussi clair sur nos motivations fondamentales et sur nos rapports avec le capitalisme et l'Europe.

Ce travail a été réalisé par la base et par ses représentants au conseil national qui ont été sollicités en dehors de toute intérêt polémique. On a pu parler et travailler tranquilles. L'état de santé du PS, c'est ça. Et dans chaque section, il y a des partisans de chacun qui ont horreur de se casser la figure.

LCI.fr -  Comment la gauche française doit-elle réagir à la crise de la social-démocratie en Europe, un système basé sur la redistribution alors que les finances publiques vont très mal ?

M.R. : Faux. C'était le langage critique des années 90. Depuis, trois pays ont assaini leurs finances publiques et ont préservé l'Etat-providence en en changeant les règles. Ce sont la Suède, le Danemark et sans doute l'Allemagne. Gerhard Schröder a payé sur le plan  électoral des réformes plus efficaces et plus profondes que celles jamais osées en France. D'où la santé actuelle de notre voisin.

La crise de la social-démocratie, c'est du baratin. Le capitalisme est arrivé à un niveau d'évolution tel qu'il ralentit la croissance dans les pays développés. La pression des actionnaires a réduit d'environ 10% la part de la demande dans le PIB depuis quelques années. Ce qui implique une réintensification de la bataille sociale-démocrate. Si le PS se met à comprendre cela, il pourra se battre avec ses alliés sociaux-démocrates européens.

Propos recueillis par Renaud PILA
le 12/06/2008

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Commentaires
C
Un sondage intéressant à lire :<br /> http://www.ifop.com/europe/sondages/opinionf/sarkozyberlusconi.asp<br /> <br /> Re-zut...
N
Et zut!...
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